Le mot du Rabbin : Paracha Béhar Bé’houkotaï

Etre satisfait

La Paracha Be’houkotaï débute par de merveilleuses bénédictions promises au peuple s’il respecte les prescriptions divines. Elle promet notamment l’abondance (26:5) : “Le battage de vos grains se prolongera jusqu’à la vendange, et la vendange durera jusqu’aux semailles; et vous aurez du pain à manger à satiété… ”

Selon Rachi, l’expression “vous aurez du pain à manger à satiété” ne se réfère pas à l’abondance de pain, car celle-ci est évoquée dans la première partie du verset, mais au contraire, à la capacité de se rassasier avec une petite quantité de pain.

Ce commentaire est paradoxal : si nos greniers sont pleins à craquer, quel intérêt de se contenter de peu ? Rassasions-nous de notre grain plutôt que de le laisser pourrir !

Alors que le verset semble faire une promesse quantitative, Rachi explique qu’en fait, cette promesse est qualitative : c’est la bénédiction de la satisfaction. Il nous met en garde contre la spirale infernale du “toujours plus !”, dans laquelle des greniers et des celliers pleins à craquer nous laisseraient insatisfaits. Ainsi dit l’Ecclésiastes (Kohelet 5:9) “Qui aime l’argent ne sera jamais rassasié d’argent”, maxime illustrée par le Midrach Kohelet Rabba : “Celui qui a 100 veut 200, celui qui a 200 veut 400, etc.” : personne ne meurt en ayant satisfait même la moitié de ses désirs.

Pour recevoir la bénédiction de la satisfaction, nous devons adopter l’échelle de valeurs préconisée par la Torah. La Torah n’a rien contre la richesse et ne plaide pas pour une vie de misère ; bien au contraire, elle recommande à toute personne qui en a été gratifiée d’en profiter.

La Torah nous demande d’adopter la bonne perspective : les biens matériels sont là pour nous aider à progresser spirituellement, et la vraie satisfaction ne réside pas dans une surabondance matérielle, mais dans la capacité à se contenter de peu, quelle que soit l’étendue de nos biens. Le minimalisme avant l’heure, c’est le paradoxe de Rachi.

Une parabole

A un roi malade, les médecins avaient prescrit de porter la chemise d’un homme joyeux et sans souci.

Ses ministres eurent beaucoup de mal à trouver un tel homme, et lorsqu’enfin ils le trouvèrent, celui-ci ne possédait pas de chemise. Car, disait-il, s’il en avait eu une, il aurait eu à se soucier d’elle et n’aurait pas été l’homme joyeux qu’il était !