Une vengeance réfléchie
A la fin de la précédente Paracha, Pin’has, révolté par l’immoralité qui déferle sur le camp des Hébreux, transperce de sa lance Zimri, le prince de la tribu de Simeon, qui s’exhibait avec une femme Midianite. L’histoire se conclut au début de notre Paracha : D.ieu approuve l’acte de Pin’has et le bénit.
De nombreux commentateurs demandent pourquoi cette histoire est-elle à cheval sur deux Paracha, ce qui est assez inhabituel. Une des réponses est qu’un acte tel que celui de Pin’has ne peut être jugé qu’avec du recul. Pin’has s’est-il laissé enflammer par son indignation – cela aurait alors fait de lui un meurtrier passible de la peine capitale – ou bien a-t-il sincèrement voulu défendre l’honneur de D.ieu par une action forte à un moment où les dirigeants du peuple, y compris Moïse, étaient tétanisés et incapables d’agir ? Dans ce dernier cas, son acte relèverait de la loi du zélote qui, dans certaines circonstances exceptionnelles, peut procéder à des exécutions extra-judiciaires (Talmud Sanhedrin 81b).
D.ieu, finalement, approuve et bénit son acte, mais en le dissociant de sa récompense, la Torah veut nous montrer qu’un tel comportement ne peut se justifier qu’avec réserve, dans des circonstances exceptionnelles, et ne pourra en aucun cas être considéré comme un exemple.
Selon le Gaon de Vilna, rapporté par Rav Alport, Pin’has s’est inspiré de l’impulsivité de Moïse dans un autre cas exceptionnel. Nous jeunons chaque année le 17 du mois de Tamouz, jour où Moïse, descendant du Mont Sinaï avec les Tables de la Loi découvre avec stupéfaction le peuple dansant autour d’un veau d’or. Devant ce spectacle, il brise les Tables, jugeant que le peuple n’en est pas digne. Là encore, il commet cet acte de son propre chef, mais D.ieu l’approuvera a posteriori, comme l’enseigne Rachi dans son dernier commentaire sur la Torah (Deutéronome 34:12).
La Torah bannit l’impulsivité et la vengeance (Lévitique 19:18) : « Ne te venge pas et ne garde pas rancune… », surtout de la part d’un leader, mais certaines circonstances exceptionnelles exigent des actions exceptionnelles.